De plus en plus d’entreprises se tournent vers l’externalisation de leur logistique via un 3PL ou 4PL. Beaucoup voient l’externalisation comme un levier simple de réduction des coûts en négligeant parfois les pendants, notamment la gestion de la relation entre un client et son prestataire. Les enjeux sont pourtant multiples : créer un vrai partenariat dans lequel chacun y trouve son compte, garantir une prestation de qualité, éviter la perte de contrôle et l’effet « boîte noire » pour le client. Afin d’avoir une relation la plus constructive possible, celle-ci doit s’organiser autour de trois grands axes : piloter, améliorer et contrôler.
Avant toute chose, il est nécessaire que la relation entre prestataire logistique et client soit cadrée par plusieurs éléments indispensables au bon fonctionnement :
- Un contrat clair, explicitant les engagements de chacun et le processus en cas de manquement (pénalités – rupture de contrat…).
- Des documents de projets précis et partagés qui intègrent et complètent les éléments de l’appel d’offres.
- Un encadrement des prix clair, incluant des tolérances de volumes pour les prix donnés et un cadre de discussion en cas de dépassement de ces tolérances.
Sans ces trois éléments faisant office de prérequis, les trois axes d’une bonne relation client – prestataire ne peuvent s’appliquer.
Piloter
Externaliser sa logistique ne veut pas dire laisser son prestataire en totale autonomie. Un 3PL doit être piloté et pour cela, plusieurs éléments doivent être pris en compte.
Du côté client et du côté prestataire, une personne unique doit être identifiée comme interlocuteur principal. Ces interlocuteurs sont de vrais pilotes de la relation : ils ont un rôle transverse devant jongler avec des sujets opérationnels et les sujets plus globaux. Il ne s’agit pas de faire communiquer acheteurs et commerciaux, leurs responsabilités sont multiples : s’assurer que les points de contacts sur les sujets plus opérationnels soient clairement identifiés, centraliser les messages, animer la structure de pilotage, suivre la facturation…
De plus, une structure de pilotage doit être clairement définie dans la phase de contractualisation. Les rituels, participants, indicateurs de suivis, niveaux de détails, fréquence, décisions et leviers sont autant d’éléments devant être pris en compte dans la définition cette structure. Il est important d’intégrer deux mailles de temps dans le pilotage avec un premier rituel à une maille courte, généralement mensuelle, afin de suivre les indicateurs clés par processus et les problématiques majeures, et un second rituel, à une maille plus longue, généralement annuelle, pour faire un bilan complet de la prestation, incluant généralement les achats.
Enfin, pour maintenir au mieux une sérénité dans le travail opérationnel et dans les moments plus difficiles, les mécaniques d’escalade et d’arbitrage doivent être définis en amont : qui contacter en cas de problèmes ? Qui arbitre quoi ? Quoi mettre en place en cas de conflits et de désaccords persistant dans le temps ? Les points de contact et plan d’action doivent être décrits à tous les niveaux (autant dans le cas d’un retard d’un camion que le cas d’un désaccord majeur sur la facturation) et doivent être validés par l’ensemble des parties prenantes.
Améliorer
En plus d’une structure de pilotage, une démarche d’amélioration continue doit être mise en place dans le but d’identifier les problèmes majeurs et d’apporter des solutions.
Le point de pilotage régulier doit être l’occasion de suivre un plan d’action et suivre l’évolution des sujets compliqués. Des ressources plus opérationnelles doivent intervenir car elles seront des leviers pour détecter et résoudre facilement les problèmes, facilitant aussi le dialogue transverse client – prestataire pour la réalisation rapide et efficace de ce plan d’action.
De plus, il est important de savoir à la fois challenger les processus et contraintes du prestataire afin de le pousser à proposer des solutions mais aussi de savoir identifier les contraintes clients pouvant perturber son fonctionnement et de les remettre en cause. Les performances d’un prestataire logistique peuvent être dégradées par des contraintes externes qu’il doit gérer et sur lesquelles il a peu ou pas de leviers : retard camion récurrent, colis abimés à réception, pics et creux d’activités très importants… Côté client, ces éléments doivent absolument être traités par le client car dans le cas échéant, ils entraineront une dégradation forte du service réalisé par le prestataire et éventuellement un changement des tarifs. Souvent, le client a tendance à penser que les problèmes rencontrés par le prestataire ne le concernent pas car il a externalisé. Il ne faut pas tomber dans cette facilité qui engendrera des mécontentements et conflits de chaque côté des parties prenantes. N’oubliez jamais qu’un prestataire logistique a souvent une marge réduite ; si vos problèmes non traités menacent cette faible rentabilité, vous ferez face à des hausses de tarifs, voire un arrêt du contrat par le prestataire. Côté prestataire, on peut aussi inscrire dans le contrat cette nécessité d’amélioration continue qui peut prendre la forme d’objectifs de baisse ou de neutralisation des coûts, d’engagement de présentation de projets sur l’année ou encore de mise à disposition de ressources d’études. Le prestataire a aussi un devoir de transparence sur les difficultés internes rencontrées et les moyens de les réduire. En synthèse, un équilibre est à trouver pour rester dans une démarche collective d’amélioration et de ne pas créer de points de crispation et de conflits.
Enfin, dans le cas de résolutions de problématiques avec des enjeux, il est important d’avoir un partage des gains équilibrés. De cette façon, la relation permettra de se transformer en réel partenariat et de créer un cercle vertueux.
Contrôler
Afin de s’assurer du bon respect des engagements du contrat, il est important de savoir contrôler régulièrement l’ensemble de la prestation.
Par manque d’accès aux outils informatiques du prestataire, les unités d’œuvre énoncées par le prestataire peuvent apparaître comme une « boîte noire » à laquelle se soumettre obligatoirement. Il est important de trouver des moyens de contrôle avec les outils du client afin de s’assurer de la cohérence des ordres de grandeurs et de garder une certaine autonomie vis-à-vis de son prestataire.
De plus, contacter fournisseurs et clients régulièrement (une à deux fois par an) mais aussi demander un retour aux contacts opérationnels sont des bonnes pratiques à réaliser régulièrement pour récolter des éléments qualitatifs.
Enfin, le client doit absolument garder un contrôle et une connaissance de sa logistique pour éviter la dépendance. Dans le cas d’un renouvellement de contrat ou de nouvel appel d’offre, le client doit connaître son activité logistique et doit être capable de la décrire : processus, ordre de grandeurs, activités spécifiques, principales contraintes, mode de préparation,… Dans le cas contraire, le client va éprouver de grandes difficultés à rompre avec son prestataire ou même à le challenger.
Et si malgré une structure de pilotage efficace, une démarche d’amélioration continue active et un contrôle adapté des conflits apparaissent, l’important est ne pas exacerber les tensions en voulant résoudre les conflits à tout prix. Pour cela, quelques bonnes pratiques : se concentrer sur les problèmes à fort enjeux pour les deux parties, faire des ateliers communs pour réfléchir aux solutions et construire le plan d’action, et ne pas hésiter à impliquer des personnes externes qui apporteront plus de recul.
Eva BORNE, Manager et Maxence CHRETIEN, Senior Manager, Groupe Citwell